Résidence Les Martinets.







Une résidence de standing dont la construction a étée, elle aussi, particulièrement soignée "comme la résidence Albert 1er".

Elle possède malheureusement un défaut inexcusable pour moi, d'autant plus que c'est du haut de gamme, il n'y a pas de garage ou même de parking protégé. Ce qui est un non sens total étant donner la superbe du bâtiment.


Histoire du bâtiment et du lieu:


Un nouvel aménagement ambitieux vient clôturer en beauté une année 2018 fort riche en mesures de protection des martinets de Belgique. Une fois encore, la bonne coopération et coordination entre tous les acteurs du projet a été la clé de ce succès. Autre fait intéressant : la législation environnementale et sa mise en pratique sont aussi illustrés dans le processus décrit ci-dessous. (Article mis à jour le 28/06/20)

Le "Moulin Bruyère" de Visé (sur la rive gauche de la Meuse) était désaffecté depuis une vingtaine d’années. Le site de cet ancien moulin à grains est resté à l’abandon jusqu’à ce que deux jeunes entrepreneurs de la région décident de l’acquérir pour le transformer en un ensemble de 12 appartements.

En juillet 2017, j’ai été alertée par Claude Puts, chef du service Environnement de la Ville de Visé : tant lui que des ornithologues d’Aves Liège avaient pu observer des martinets tourner autour de l’ancien silo et soupçonnaient la présence de nids dans certains bâtiments.

J’ai alors expliqué que l'observation de martinets tournant autour du site était un indice sérieux de la présence de nicheurs et que cela impliquait une réflexion et une préparation bien en amont de tous les travaux. Ceci, afin de trouver une solution pas trop coûteuse, discrète voire esthétique qui permette de préserver ces oiseaux menacés... et protégés par la loi. Je leur donnais aussi des conseils sur le calendrier de démolition, afin de réduire la perturbation autant que possible.


En octobre 2017, la Ville rejetait une première demande de permis d’urbanisme, jugée incomplète entre autres parce qu’elle n’intégrait pas la protection des martinets. Elle contactait en outre le DNF (Département de la Nature et des Forêts) au sujet de ces oiseaux. Le DNF est en effet l'autorité régionale responsable de veiller à la bonne application de la Loi sur la Conservation de la Nature (LCN). Ce texte légal, qui applique notamment la « Directive Oiseaux » de l’Union européenne[1], stipule entre autres que nul n’est censé détruire les nids, sauf dérogation accordée par l’autorité compétente.

En décembre 2017, le DNF a conditionné l’octroi d’une dérogation à une série de contraintes :

 

- évaluer le nombre de nids et les localiser,

- intervenir avant le retour des martinets et

- remplacer tout nid détruit par des nids artificiels incrustrés, placés de manière ad hoc.

 - placer des nichoirs temporaires si le calendrier des travaux empêchait les martinets de nicher dans leur gîte habituel.

En mars 2018, j’ai visité le site en compagnie de M. Puts, des architectes et des entrepreneurs, afin d’évaluer la présence potentielle de nids et de prodiguer des conseils sur les mesures à prendre.

 

A mon agréable surprise, j’ai été très bien accueillie et mes interlocuteurs ont écouté avec beaucoup d’intérêt.

Ensuite, les deux entrepreneurs ont décidé de transformer ces contraintes en atout, mettant beaucoup de soin à :

- échelonner le chantier selon mes conseils (démolition prioritaire, avant la saison de nidification, des bâtiments inappropriés pour les martinets et démantèlement des parties « sensibles » après le départ des oiseaux),

- rechercher les nids selon mes consignes, pendant le démantèlement du silo, allant même jusqu'à se rendre sur place à plusieurs reprises pendant la saison, pour observer les mouvements des martinets autour du site,


- et... intégrer pas moins de 30 briques-nichoirs (modèle Vivara 90059) aux endroits adéquats de l’ancien silo (façades Nord et Est).


Et ce, alors même qu’aucun nid naturel de martinets n’avait été découvert lors du démantèlement du vieux moulin ! De fil en aiguille, ils ont même baptisé la future résidence « Les Martinets » et créé une société immobilière faisant référence à ces oiseaux![2]

Mise en œuvre

 

En novembre 2018, Jochem Kühnen, expert néerlandais de Gierzwaluwbescherming Nederland, dont j’ai déjà décrit les réalisations impressionnantes sur ce blog (voir ici), apportait son assistance à distance, pour que les briques-nichoirs soient placées de manière adéquate.


 Un léger creux dans un coin des briques-nichoirs permettra aux martinets

de pondre leurs oeufs dès leur installation, sans attendre d'avoir

recueilli des matériaux pour construire un nid. (© M. Wauters)


En décembre 2018, alors que l’intégration des briques-nichoirs se clôturait, j’ai pu visiter le chantier et faire placer, bien en vue sur l’échafaudage, une bâche communiquant aux nombreux passants que le chantier intégrait des gîtes pour martinets avec l’aide de Natagora (GT Martinets). Comme le site est situé au bord d'une promenade très fréquentée, ceci permettra une large diffusion de l'information sur cet aménagement exemplaire.


Cerise sur le gâteau : l’entrepreneur et l’architecte se sont tellement pris de passion pour ce projet qu’ils ont assisté à la conférence que je donnais à Liège le 11 décembre et à celle que je donnais le 16 mai 2019 à Visé! Ils sont aussi très intéressés par la mise en place d'un système de repasse (diffusion de cris de martinets) pendant la prochaine saison de nidification des martinets, afin d'accélérer l'adoption de ces "lofts 5 étoiles" par ces migrateurs au long court.

 

Mai 2019 : le panneau Résidence Les Martinets" et notre bâche de chantier,

repositionnée en bordure de la promenade, attirent de nombreux regards!


A terme*, la Ville de Visé projette d’installer un panneau didactique entre la promenade du bord de Meuse et la Résidence « Les Martinets ». Ce panneau sera un moyen formidable de diffuser encore plus « la bonne parole » sur les caractéristiques fascinantes des martinets et sur leur protection!

La situation de la "Résidence Les Martinets" est idéale: un bâtiment élevé situé à côté de la Meuse, où les martinets pourront boire en cas de fortes chaleurs, et aux abords de laquelle ils trouveront facilement des insectes pour se nourrir.

 

Merci à tous les acteurs qui ont contribué à la concrétisation de ce beau projet :

- la Ville de Visé (plus particulièrement Claude Puts et Laeticia Poelmans)

- André Burnel (Aves Liège) (observations de terrain)

- le DNF

- Christophe Maréchal et Pascal Schonbroodt (MarechalConstruction, Maître de l‘Ouvrage)

- Stéphane ADAM (bureau sAmH Architecture, auteur de projet)

- Jochem Kühnen (Gierzaluwbescherming Nederland)

- Edward Mayer (Swift Conservation) et Bill Murrells (Action for Swifts) (confirmation de l'absence de nids lors du démantèlement du silo)

 

- Le Rotary Club pour le financement du panneau didactique.

 

Puissent de nombreuses administrations et de nombreux professionnels de la construction et de la rénovation suivre leur exemple !

J’invite aussi les ornithologues qui se rendent à la réserve d’Oost-Maarland toute proche à venir observer le site pendant la saison des martinets, pour contribuer au suivi de ce projet fantastique ! (Adresse pour les GPS : rue Basse-Hermalle 29, 4600  Visé).

P.S.: Ce projet a été mis à l'honneur sur le blog d'Aves, pôle ornithologique de Natagora, dans un article paru le 18/12/18, que vous pouvez lire en cliquant ici. Merci au Département Etudes d'Aves pour cette belle diffusion de l'information!


Au printemps 2020, nous avons appris que 6 cavités étaient déjà occupées, alors qu’elles n'étaient disponibles que depuis 1 an ! Quant aux panneaux didactiques placés en face de la “Résidence Les Martinets”, ils restent fort regardés par les nombreux promeneurs du bord de Meuse.

 

 [1] Pour la petite histoire, Visé se trouve à une quinzaine de kilomètres de Maastricht, ville où les membres de l'Union européenne ont signé le Traité qui les qui oblige à intégrer la notion de développement durable dans leurs objectifs économiques. Tout un symbole !

 

[2] Signalons par ailleurs que la façade Sud de l’immeuble “silo”, dans sa globalité, ainsi que le versant Sud de ce bâtiment, seront entièrement recouverts de panneaux photovoltaïques, qui fourniront l’électricité aux pompes à chaleur destinées à chauffer les appartements. Et que les eaux pluviales seront infiltrées dans le sol, sous les parkings extérieurs.




















































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