Climat : l’Humanité a déjà dépassé 4 des
5 limites, la Terre risque de devenir invivable
Dans
un rapport inédit, un groupement de chercheurs a défini quels sont les points
de non-retour pour la planète et l’Humanité.
Par Maëlle Roudaut
CLIMAT - L’Humanité dépasse décidémment les
limites. Une nouvelle étude publiée mercredi 31 mai dans la revue Nature alerte
sur le fait que « l’homme prend des risques colossaux pour son propre
avenir ». Rédigée par une commission scientifique de 40 chercheurs du
monde entier, cette étude définit cinq limites chiffrées au-delà
desquelles la vie humaine ne sera plus « sûre » ni « juste »
sur Terre.
Si ce travail est inédit, il est la suite logique
des publications du chercheur suédois Johan Rockstörm et de ses équipes. Dès
2009, ces scientifiques avaient identifié 9 limites planétaires : des
points de bascule qui font depuis référence dans la science du climat.
Aujourd’hui, six de ces neuf limites planétaires sont dépassées.
Concrètement cela signifie que les activités
humaines ont déstabilisé le fonctionnement de la planète au point qu’il ne
pourra jamais revenir à la normale. Face à ce constat, les scientifiques ont
voulu confronter les limites de la planète à celles de l’humanité dans une
nouvelle étude.
Ils ont donc identifié cinq variables
environnementales pour un monde « sûr et juste » pour
l’humanité, c’est-à-dire qui permettent d’éviter une mortalité en hausse, les
migrations climatiques et par endroit le retour de la famine. Ces variables
sont le climat, la biosphère, l’eau, les cycles des nutriments et la pollution
de l’air. Leur conclusion a de quoi alerter : quatre de ces limites sont
déjà dépassées. Les voici.
1. Le climat, limite
dépassée
Il fait trop chaud, et ce n’est plus possible de
revenir en arrière. À cause des émissions de gaz à effet de serre, la planète
s’est réchauffée de 1,2 °C par rapport aux niveaux préindustriels.
Or, dans leurs travaux les scientifiques estiment qu’une planète sûre ne
devrait pas dépasser 1 °C de réchauffement.
Les effets du changement climatiques sont en effet
déjà visibles. « Les émissions ont déjà entraîné des dommages
importants : des phénomènes météorologiques extrêmes, la perte d’habitat
par les communautés autochtones de l’Arctique, la perte de terres par les États
de faible altitude, l’élévation du niveau de la mer ou encore la réduction de
la recharge des nappes phréatiques », énumère le rapport.
Si cette limite du climat est dépassée, il est
encore temps de freiner pour tenter de limiter les conséquences futures. Car si
l’humanité atteint la barre des 1,5 °C de réchauffement, alors plus de 200 millions de
personnes, dont les plus pauvres, seront exposées à des records de
températures, tandis que plus de 500 millions seront exposés à l’élévation
de la mer.
2. La biosphère,
limite dépassée
La nature disparaît à vitesse grand V et cela a
déjà des conséquences sur les vies humaines. Pour garder une planète favorable
à la vie humaine, il faudrait conserver au moins 50 à 60 %
d’écosystèmes naturels sur Terre.
L’humanité a déjà dépassé ce quota. Il ne reste
plus que 45 % d’écosystèmes naturels. Problème, cette destruction de la
nature implique une moins bonne qualité de l’eau, l’augmentation des ravageurs
et des maladies, et des conséquences négatives sur la santé physique et mentale
des humains.
En parallèle, les terres agricoles s’appauvrissent.
Pour l’humanité cela signifie de moins bonne récoltes et une dépendance de plus
en plus importante aux pesticides. Le rapport pointe du doigt les
pratiques « non durables », telles que la déforestation
ou l’agriculture intensive.
3. L’eau, limite
dépassée
Dans un monde sûr pour les humains, le débit
naturel des rivières n’est pas modifié à plus de 20 %. Sur Terre, il est
actuellement perturbé à 34 % par des barrages, des drainages ou d’autres
types d’interventions humaines.
Il en va de même pour les eaux souterraines :
l’eau de pluie ou de la fonte des neiges qui s’infiltre dans le sol et les
roches et constitue les réserves des nappes phréatiques. En théorie il ne
faudrait jamais en prélever plus d’eau souterraine que ce qui se reconstitue
naturellement.
« Près de la moitié de toutes les
zones terrestres contenant des bassins fluviaux se situe au-delà de cette
limite », estime l’étude. C’est-à-dire que la quantité d’eau extraite chaque
année est supérieure à celle qui se renouvelle naturellement. « Cette
extraction excessive met en péril la production agricole et peut entraîner un
affaissement irréversible des sols », estiment les scientifiques.
4. Les engrais,
limite dépassée
À cause des engrais utilisés pour l’agriculture,
une quantité d’azote et de phosphore inédite se retrouve dans les sols. S’ils
permettent dans un premier temps d’obtenir de bons rendements, à long terme
l’excès de ces nutriments dégradent les écosystèmes. « Ce processus est
connu sous le nom d’eutrophisation et peut pousser les écosystèmes aquatiques
et terrestres au-delà d’un point de basculement, au-delà duquel la biodiversité
s’effondre » explique le chercheur Johan Rockstörm.
Si l’eutrophisation menace la survie des poissons
et d’autres espèces aquatique, elle a aussi des répercussions sur la santé
humaine. En se retrouvant dans la nature, l’azote et le phosphore polluent les
sols mais aussi l’eau. C’est ensuite la cause de la prolifération d’algues
toxiques, comme les algues vertes en Bretagne.
Les excédents d’azote et de phosphore constituent
la quatrième limite dépassée par l’humanité. Les excédents agricoles maximaux
devraient être de 61 téragrammes d’azote par an, alors qu’ils s’élèvent
aujourd’hui à 119 TgN/an. Pour le phosphore la limite se situe entre 4,5 à
9 téragrammes de phosphore par an, là où il atteint 10 TgP/an dans notre
monde.
5. La pollution de
l’air, seule limite non dépassée
Voilà la seule limite que l’humanité n’a pas encore
dépassée : la pollution de l’air, que les scientifiques mesurent par la
présence des aérosols. Selon eux la limite sera franchie le jour ou il y aura
un déséquilibre trop important entre les charges en aérosols de l’hémisphère
nord et de l’hémisphère sud.
Si cela arrive, il y aurait des millions de décès
prématurés chaque année, une forte augmentation des maladies respiratoires et
des modifications irréversibles du régime des pluies. À mesure que la pollution
atmosphérique continue d’augmenter dans l’hémisphère nord, ce scénario se
rapproche.
« Notre planète et ses habitants
sont menacés par la pollution atmosphérique. Nous devons agir maintenant pour
stopper l’augmentation des concentrations d’aérosols », alertent les
chercheurs. La « bonne nouvelle » de la pollution de
l’air est donc à dire vite, très vite.
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